Bonjour à tous !
Aujourd'hui j'ai choisi de vous présenter le sculpteur sénégalais Ousmane Sow (1935-2016).
"Les sculptures d'Ousmane Sow disent la permanence de l'homme, de son corps, de ses désirs et de ses rêves. A travers ces présences si fortement terrestres et physiques, c'est pourtant quelque chose de l'ordre du spirituel qui résonne et s'entend." Ernest Pignon-Ernest
C'est à Dakar en 1935 que naît Ousmane Sow. D'une mère saint-louisienne d'ascendance aristocrate et guerrière et d'un père dakarois. Ousmane Sow reçoit une éducation stricte dont il gardera une certaine rigueur, le sens du devoir mais aussi un esprit libre. Â l'âge de dix ans il sculpte déjà des blocs de calcaire trouvés sur les plages.
C'est au décès de son père en 1957 qu'il décide de quitter Dakar pour Paris. Là il devient infirmier puis se forme à la kinésithérapie auprès de Boris Dolto (1899-1981), le mari de Françoise Dolto, avec lequel il entretiendra une profonde amitié. Cette rencontre sera essentielle pour lui dans sa connaissance du corps humain et dans l'enseignement inédit qu'il en recevra.
Il réalise de nombreuses sculptures pendant toutes ces années mais ne se soucie pas de les conserver. En 1978 il retourne vivre définitivement à Dakar.
Ousmane Sow invente sa matière, qu'il surnomme "le Produit". Une mixture dont la recette est restée secrète, composée d'une vingtaine d'ingrédients et nécessitant un temps de macération dans des barriques durant plusieurs années.
La série des Nouba (1984-1987), une ethnie des montagnes du sud du Soudan, le révèle au public avec une première exposition en 1987 au Centre culturel français de Dakar, et le décide à abandonner le métier de kinésithérapeute pour se dédier exclusivement à ses créations.
L'architecture admirable et la puissance prodigieuse de ces corps, tient à une élaboration toute particulière: une ossature en fils de fer recouverte d'une enveloppe de muscles faite de toile de jute mélangée à de la paille synthétique. L'ensemble étant ensuite recouvert et modelé avec le fameux "Produit". Il émane de l'oeuvre achevée, d'une finesse et d'une expression fabuleuses, un sentiment de vie absolument époustouflant.
Une dizaine d'années plus tard Oumane Sow entreprendra la série des "Petits Nouba", explorant davantage cette thématique. Cette fois ce sera avec des bronzes moins grands et au style beaucoup plus éffilé, tout aussi délicats et émouvants que ceux de la première série.
En 1989 à l'occasion du bicentenaire de la Révolution française, l'artiste a également sculpté Toussaint Louverture (environ 1743-1803), figure historique majeure de la révolution haïtienne :
S'ensuit la série des Masaï (1988-1989), ethnie du Kenya et de Tanzanie, dont l'oeuvre emblématique et monumentale du Guerrier Masaï :
Dans la même série, cette scène émouvante de la vie quotidienne:
Ou encore cette oeuvre impressionnante de force et de vitalité :
Puis, Ousmane Sow réalise la série des Zoulou (1990-1991), ethnie d'Afrique du sud présentant les guerriers Zoulou et Shaka leur roi (1787-1828) dans une scène de groupe saisissante :
De 1991 à 1999, Ousmane Sow construit lui-même sa maison, conçue comme une oeuvre à part entière : "La construction de ma propre maison est une chose trop importante pour être confiée à un architecte", tenait-il à préciser. C'est d'ailleurs avec le "Produit" qu'il réalise les innombrables dalles multicolores recouvrant les trois étages ainsi que le toit de sa maison.
La maison Ousmane Sow à Dakar - que lui-même surnommait "le Sphinx", car elle préfigurait pour lui la série qu'il imaginait réaliser sur les égyptiens - est ouverte au public depuis mai 2018, on peut y voir une trentaine d'oeuvres de l'artiste.
Dans les séries sur les peuples d'Afrique vient ensuite celle des Peulh (1993-94), ethnie répartie dans toute l'Afrique et à laquelle appartient Ousmane Sow. Des scènes familiales, quotidiennes et rituelles de ce peuple constituent cette série.
Little Big Horn (1994-1999), est la série la plus importante jamais réalisée par Ousmane Sow. Comportant vingt-trois personnages et huit chevaux, cette fresque narrative spectaculaire sans équivalent, relate la sanglante Bataille de Little Big Horn (1876) qui marqua la défaite du Général Custer face aux Sioux et aux Cheyennes.
Ousmane Sow disait se sentir proche des indiens: " Ils ressemblent plus aux africains que beaucoup d'autres peuples, de par leur mode de vie et leurs croyances".
La magistrale exposition sur le Pont des Arts au printemps 1999 et ses trois millions de visiteurs lui vaut une consécration et une renommée mondiale.
En 2013 il est le premier artiste africain élu à l'Académie des Beaux-Arts.
Les sculptures inégalables d'Ousmane Sow tant par les formes que par la matière dont elles sont faites, constituent une oeuvre narrative inouïe. L'artiste sculptait sans croquis, sans esquisses, et sans mesures. Sa connaissance précise du corps humain, l'invention de cette matière énigmatique issue d'une savante alchimie, ainsi qu'une liberté remarquable font de lui un artiste essentiel. Une puissance et une énergie fabuleuses se dégagent de ces personnages, la profondeur de leurs regards traduisent une humanité émouvante. Il y a de la tendresse dans l'art d'Ousmane Sow et ce n'est pas seulement l'âme de l'Afrique qui transparaît dans son oeuvre, mais l'âme humaine dans toute son universalité.
Sources :
Ousmane Sow Le soleil en face, aux éditions Le p'tit jardin, 1999.
Ousmane Sow, la splendeur sauvage des hommes, Hors série Télérama par Olivier Cena, 1999.
Ousmane Sow, monographie, Revue Noire, 1995
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