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Bonjour à tous,
Aujourd'hui je suis heureuse de vous présenter la sculptrice française Simone Pheulpin née en 1941.
"Mes réalisations sont le résultat d'une expression instinctive. La souplesse du matériau et le mouvement de superposition conduisent à des formes avec lesquelles jouent l'ombre et la lumière. Elles sont le reflet d'une harmonie avec le monde naturel." Simone Pheulpin
Simone Pheulpin, née à Nancy en 1941, est une artiste absolument unique dont le travail me fascine. Elle a créé un savoir-faire qui ne trouve aucune équivalence dans la sculpture textile contemporaine tant en France qu'à l'étranger.
Totalement autodidacte, n'ayant jamais intégré aucune école d'art, ni appris le modelage ou la taille, Simone Pheulpin possède un sens inné du volume.
Dans sa "vie d'avant", Simone Pheulpin travaillait à des scènes, à des décors dans lequel le tissu dominait déjà, avec des tableaux textiles en relief, des coussins, des poupées faits de tissus colorés. Or un jour, sans qu'elle ne sache pourquoi, elle s'arrêta brusquement de fabriquer ces objets artisanaux. C'était fini. Il était temps pour elle de passer à autre chose, de créer de l'art à part entière. Elle évoque elle-même cette rupture en disant : "Je me suis réveillée miraculeusement". Il y eut miracle en effet, car c'est avec le tissu qui lui servait à doubler les panneaux réalisés jusqu'alors, c'est avec ce tissu "invisible" et apparemment insignifiant, qu'elle commença à donner naissance à des formes mystérieuses. Enroulant le coton brut dans un geste répétitif sans idée précise, avec le seul désir d'obtenir une forme compacte, sans qu'aucun jour n'apparaîsse. Elle fut elle-même surprise du résultat. L'étonnement premier se muat en plaisir, de créer, de retomber en enfance, de se laisser surprendre. C'était là le début d'une exploration, d'un cheminement ponctué de trouvailles s'étalant sur plus de trente années.
Ses créations textiles émergent sans aucune étude préparatoire, pas de dessin, aucune maquette. "Je sais ce que je veux", dit l'artiste. Aussi incroyable que cela puisse paraître, l'élaboration de ses sculptures est le fruit d'une improvisation. C'est le tissu qui mène la danse si on peut dire, le tissu et des milliers d'aiguilles pour le fixer, lui donner une structure interne invisible. Et voilà que l'oeuvre prend forme.
Simone Pheulpin dit aimer particulièrement travailler avec un tissu écru. Cette teinte naturelle lui donne une grande liberté de jeu avec l'ombre et la lumière. C'est une composante essentielle de son travail.
De prime abord, on croit voir de la pierre, il s'agit pourtant bien... de calicot. Des bandes d'un calicot non blanchi, un coton brut, rêche, non décati. La technique tout à fait inédite de Simone Pheulpin, lui permet de modifier totalement la structure de ces bandes de coton, en les pliant, les serrant, les empilant, dans un geste répétitif et minutieux. La sculptrice se procure les bandes de tissu au mètre, auprès d'un fabriquant artisanal situé dans sa région natale des Vosges, puis elle les découpe selon la largeur souhaitée, et utilise des milliers d'aiguilles pour tenir l'ensemble. L'accident fait également partie intégrante du travail, et lorsqu'il arrive que le tissu "parfois n'y va pas", elle ne s'oppose pas, mais accueille la forme nouvelle qui s'impose, suit le cheminement qu'une faille inattendue lui offre d'explorer, et réinvestit autrement l'idée d'origine.
Je perçois Simone Pheulpin comme une véritable magicienne. Ses sculptures, lorsque je les regarde, font naître en moi des émotions semblables à celles que je ressens face à la nature, émotions premières, nécessaires et salvatrices.
L'oeuvre de Simone Pheulpin m'apparaît telle une géologie merveilleuse, où les dédales de coton écru nous guident vers d'innombrables strates, concrétions, coquilles et autres pierres fossiles, nous invitant dans un monde originel, archaïque, minéral, essentiel.
C'est aussi le règne vibrant, sensible et ressourçant du végétal, des plantes, des arbres, tout ce qui pousse, grimpe, se développe, grâce à la terre, à l'eau, et à la lumière. C'est aussi la manifestation de la vie secrète, dont la croissance se fait dans l'obscurité. A la vue de ces oeuvres, ne croirions-nous pas entendre parfois le clapotis de l'eau dans l'obscurité d'une grotte, les champignons poussant sur les parois rupestres souterraines, à l'abri des regards ?
Dans une approche plus philosophique, j'entrevois un lien entre les créations de Simone Pheulpin et le Pli de Gilles Deleuze, dans cette conception du Baroque qui est "de porter le pli à l'infini". Le tissu de l'âme ne se plie-t-il pas inlassablement ? Ce pli à l'infini ne nous amène-t-il pas à une forme d'unité, d'harmonie ?
C'est encore le chant des oiseaux, le frémissement de leurs ailes, la délicatesse des créatures célestes, avec la série des Eclosions, inspirée par les nids d'oiseaux de son jardin vosgien.
C'est la beauté et la poésie réunies dans une simplicité pure.
C'est la vie qui bruisse, la nature en mouvement perpétuel, les moutonnements, les frisures de ces sculptures, bouillonnent dans un enchantement de courbes et de sinuosités. Il y a comme une vie au dedans qui échappe au regard.
Simone Pheulpin expose dans le monde entier, en Europe, aux Etats-Unis ou au Japon. Elle continue d'année en année à développer et à affiner sa technique.
Pour que vous puissiez davantage "faire connaissance" avec Simone Pheulpin, je vous envoie le lien d'une vidéo dans laquelle l'artiste parle de sa démarche créatrice : https://youtu.be/a7qVufIATq0
Isabelle.
Sources:
Simone Pheulpin, Un monde de plis, de Alin Avila et Sophie Bassouls, aux éditions Ateliers d'Art de France,
www.spheulpin.free.fr
www.maisonparisienne.fr
www.domainechaumont.fr
Le pli, Leibniz et le Baroque, Gilles Deleuze, aux éditions de Minuit, 1988